Ça n’est très certainement pas sorti des frontières du Canada, mais le pays connait actuellement une de ses plus importantes crises politiques…
La situation est compliquée et ma connaissance récente et encore partielle du fonctionnement du pays n’aide pas, je vais tout de même essayer de résumer à partir de ce que j’ai compris…

Pour commencer, petit rappel de politique, le Canada est un pays doté d’un gouvernement fédéral :

- Le pays a un premier ministre et un gouvernement qui siège au parlement à Ottawa, la capitale du Canada. Les projets de lois et autres décisions sont présentés et débattus devant la chambre des Communes qui regroupe l’ensemble des députés élus par le peuple, chaque province ayant un nombre défini de députés. Lors des élections, le parti qui obtient le plus de députés passe au pouvoir et désigne le premier ministre qui forme ensuite son gouvernement. Le gouvernement peut être majoritaire ou minoritaire selon le nombre de députés élus. Dans le cas d’un gouvernement minoritaire (moins de 50% des sièges), les décisions dépendent alors du choix des députés des autres partis.
- Chaque province a également son propre gouvernement avec premier ministre, ministres et parlement. Dans le cas du Québec, tout se passe à Québec, capitale de la province. Le fonctionnement est identique qu’au niveau du pays.
- Par ailleurs, il existe une Gouverneur Général du Canada, représentante désignée de la Reine d’Angleterre au Canada, puisque celui-ci est une ancienne colonie qui fait maintenant partie du Commonwealth. Le rôle de la Gouverneur Général est plutôt symbolique mais des choix assez cruciaux pour le pays peuvent néanmoins dépendre d’elle (on va y revenir).

Les élections peuvent se tenir tous les deux ans et au plus tard tous les quatre ans, aussi bien au niveau du gouvernement fédéral que ceux des provinces.

Comment ça fonctionne avec ce double niveau de gouvernement ? Ça paraît en tout cas bien compliqué et on commence tout juste à mieux comprendre avec le bazar qui règne actuellement !

Dans les faits, des décisions sont prises au niveau du fédéral pour tout le pays par le gouvernement du Canada, d’autres au niveau des provinces par les gouvernements provinciaux. Jusque là ça va… La où ça devient plus obscure, c’est dans la définition du champ d’action de chacun. C’est en théorie défini dans la Constitution, le Québec étant historiquement une province un peu à part qui bénéficie d’une gestion décentralisée de certains budgets ou de certaines politiques (c’est flou mais si on essaye de trop rentrer dans le détail, ça va être pire !).

Cette ‘autonomie’ a été acquise au fil du temps par de difficiles luttes politiques. L’idée générale est de protéger l’identité et la culture Québécoise au sein du pays, mais une autre motivation avouée serait d’obtenir la souveraineté du Québec ou même son indépendance (pour mémoire, les Québécois se sont prononcés négativement par deux fois lors de référendums portant sur l’indépendance du Québec).

Aux élections fédérales de 2006, Stephen Harper, du parti conservateur, a été réélu premier ministre du Canada (2ième mandat), avec un gouvernement minoritaire. Les principaux partis d’opposition sont le parti libéral, le nouveau parti démocratique et le bloc Québécois. Ce dernier est le seul parti issu d’une seule province à avoir des députés présents au niveau du pays, le peuple Québécois s’assurant ainsi que ses intérêts seront bien défendus au niveau du pays.

La même année au niveau provincial, Jean Charest, du parti libéral du Québec, a été réélu premier ministre du Québec (2ième mandat), lui aussi avec un gouvernement minoritaire. Les principaux partis d’opposition sont le Parti Québécois (en faveur de l’indépendance) et l’action démocratique du Québec (plutôt conservateur).

Venons-en maintenant à la crise actuelle.

Il y a quelques mois, avec la crise économique mondiale, le premier ministre du Canada a décidé de donner la démission de son gouvernement à la Gouverneur Général avec pour raison qu’il ne pouvait plus gouverner avec un gouvernement minoritaire et prendre les décisions qui s’imposaient pour que le pays résiste et se sorte de la crise. Pour la petite histoire, ce faisant, il a lui-même bafoué une de ses propres lois qui stipule que les élections ne peuvent pas être déclenchées à moins de deux ans d’intervalle !

Résultat : le parti conservateur est réélu avec Stephen Harper comme premier ministre et un gouvernement toujours minoritaire, avec quelques sièges de plus que celui d’avant, bref une grosse perte de temps et surtout d’argent. Coté parti libéral, le leader Stéphane Dion a quand même subit un gros revers et son parti a décidé de la remplacer d’ici quelques mois lors du congrès du parti.
Ces élections ont eu lieu trois semaines avant celles des États-Unis, qui ont eu un impact médiatique nettement plus important ! Le taux de participation a d’ailleurs été très bas.
Il y a un mois, au niveau du Québec, le premier ministre a décidé lui aussi de repartir en élections, pour à peu près les mêmes raisons qu’au niveau du pays ! Les gens étaient déjà plus que tannés de ce qui s’était passé au niveau fédéral, autant dire que ces nouvelles élections n’ont pas vraiment été bien accueillies… Le vote aura lieu demain lundi 8 décembre.

Bon jusque là, rien de vraiment critique.

Alors il y a une dizaine de jours, le climat s’est pas mal échauffé à la chambre des Communes, les partis d’opposition étant très mécontents du gouvernement. La raison principale est que le budget déficitaire et les mesures présentés par le gouvernement ont été jugés très insuffisants pour faire face à la crise actuelle. Mais ce qui a vraiment fait tout exploser, c’est que l’une des mesures proposées pour limiter les dépenses de l’état était de ne pas rembourser les frais de campagne des partis qui n’était élus au pouvoir !!

Rapidement un consensus s’est formé entre les partis d’opposition (parti libéral, nouveau parti démocratique et bloc Québécois) et ils ont formé en début de semaine dernière une coalition ayant pour but de prendre le pouvoir. L’idée c’est que l’addition de plusieurs partis minoritaires fini par faire une majorité et c’est en accord avec la constitution (rien à voir avec un coup d’état, comme les conservateurs essayent de le faire croire). Dans la pratique cela se fait via un ‘vote de confiance’ à la chambre des Communes, c’est-à-dire que l’ensemble des députés d’opposition font barrage au gouvernement et revendique alors le pouvoir (c’est plus ou moins comme ça…). C’est alors à la Gouverneur Général de donner la légitimité au nouveau gouvernement (un rôle finalement très important !).

Si sur le fond on peut comprendre le but de cette coalition, sur la forme elle est quelque peu surprenante.
En effet, on retrouve à sa tête le fameux Stéphane Dion, leader désavoué et théoriquement déchu du parti libéral. Son manque de charisme est assez manifeste et on sent bien qu’il compte profiter de cette improbable opportunité pour revenir au devant de la scène et, pourquoi pas ?, devenir premier ministre.
Elle propulse également le Bloc Québécois au niveau du gouvernement du pays. Si la légitimité de la représentation de ce parti au niveau fédéral est incontestable (et acquise de manière démocratique), il est dans les faits impossible pour lui de gouverner (seul) : le nombre maximum de députés au Québec, s’ils étaient tous des élus du Bloc, ne représente pas une majorité suffisante pour être élu au gouvernement. La seule possibilité d’arriver au pouvoir est donc de s’allier à d’autres partis, ce qui arrive justement en ce moment.

La réaction du premier ministre ne s’est pas faite attendre (cette fois-ci !). Jeudi soir, il s’est adressé à la nation pour essayer de la rassurer mais aussi pour l’alerter (lui faire peur même) sur les risques pour l’unité du pays de la présence dans le gouvernement au pouvoir d’un parti souverainiste (terme employé dans son discours en Français) / séparatiste (terme employé dans son discours en Anglais, histoire de bien rallié la population anglophone à sa cause !). Il a aussi appelé les autres partis à lui faire des propositions concernant le budget, tentative assez tardive et désespérée de rester à la tête du pays…

Pour finir, Stephen Harper s’est rendu chez la Gouverneur Général Michaëlle Jean (encore elle) pour lui demander l’autorisation de suspendre les activités parlementaires pour un peu plus d’un mois (ça s’appelle une prorogation), histoire de lui laisser le temps de revoir sa copie pour le budget et de laisser un peu retomber l’excitation actuelle. Sa requête a été acceptée, entrainement de vives manifestations des opposants. Il espère maintenant que la coalition formée entre des partis assez antagoniste va éclater d’elle-même…

Toute cette agitation au niveau fédéral a un peu éclipsé les débats au niveau provincial, quelles vont être les conséquences lors du vote de demain ?
Et que va-t-il se passer le 26 janvier prochain lors de la reprise des débats de la chambre des Communes ? La coalition aura-t-elle passée les fêtes ??!

Voilà où en est le Canada aujourd’hui (avec surement pas mal d’interprétations et de raccourcis de ma part !).
À suivre…

Cet article a été publié le Sunday 7 December 2008 à 9:34 am par Aurel et est classé dans Société. Vous pouvez laisser un commentaire.